Les FORTINS de VENISE
par
Pierre LEGRAND et Claudine CAMBIER


“LE  SOUPER  DE  LA  SAN  MATTIO” -EXTRAITS 
Les mystères de Venise en 1500
Romans  Policiers  Historiques
de  Pierre  LEGRAND  &  Claudine  CAMBIER
***

LE COFFRET :
Jugeant qu’il en avait fait assez et que la suite s’annonçait sans intérêt, il prit congé après de bonnes paroles et sauta dans sa gondole. C’est sur le siège flottant que la petite clé, s’animant soudain, se mit à lui brûler les doigts. Ouvrir le coffret, vite ! Ce qu’il y trouverait conditionnerait l’activité des jours prochains, sinon l’issue de la guerre ; le retour de la sérénité ou la preuve d’un acte criminel et ses suites funestes. Les fermetures du coffret étaient compliquées ; ce genre d’ouvrage de maître ferronnier ou plutôt d’orfèvre capable de ciseler des mécanismes qui s’interpénètrent et se multiplient et qui n’obéissent qu’à la seule clé qui sait faire jouer leurs ressorts. Aurelio l’engagea dans la serrure avec la sensation de posséder entre ses mains le sort de la République, de son trésor et de ses milliers d’âmes. Le mécanisme complexe résistait. Lui avait-on donné la bonne clé ? Eh, qu’importe, on fracasserait le couvercle, le contenant n’avait aucune valeur, seul importait le contenu, les belles liasses de feuilles épaisses au format de chancellerie pliées avec soin, en trois dans le sens de la hauteur, en quatre en largeur, disposées tête-bêche pour qu’elles ne se froissent pas et s’empilent selon le format exact du coffret, sans se cogner aux parois ni faire de bruit dans le transport. 
Enfin, la petite clé, à force de persuasion, enclencha les ressorts et le couvercle se souleva. Le coffret était vide.
AGAPES :
. Eh bien, puisque vous me le demandez, nous avons commencé par des petits pâtés de canard aux pruneaux arrosés de vin de Marsala.
– Fort bien, fit Aurelio qui ne boudait pas les bonnes choses. 
– Ensuite, six douzaines d’huîtres agrémentées de vin clairet de la Loire ; pour suivre, des tostées de poutargues et de caviat ; puis huit perdreaux au verjus et deux chapons de Pola accompagnés d’un hochepot de légumes frais cueillis à Sant’Erasmo et d’un vin corsé de Dalmatie que je venais de découvrir en faisant escale à Spalato. Pour attendre, un entremets de confitures de fraises au miel et au gingembre ; le plat de résistance n’était qu’un chevreau rôti à l’estragon et paré à la manière des Normands, dont je pris la recette en Sicile ; quelques massepains en attendant le dessert d’une pièce montée de sucre aux oranges et cannelle et une parodelle accompagnée d’un vin muscat de Samos pour faire passer le tout. Trouvez-vous qu’il y ait là de quoi tuer un homme ? 
– Un homme, sûrement pas, Girolamo, mais un régiment et vous avez une carcasse à résister à tout. 
– Nous étions huit ! plaida le Capitanio.
LE SCANDALE :
– Messer Michiel, il m’est revenu l’histoire de ce faussaire et de ce collectionneur de renom qui, grâce à leur complicité bien organisée, s’étaient fait une fortune. Le marchand fournissait le faux, le collectionneur apportait l’aval de sa réputation puis revendait à prix d’or le faux ainsi authentifié. Nos deux compères se partageaient les bénéfices de leur activité. Que dites-vous de cela ? 
Ils se dirigeaient lentement vers l’embarcadère. Michiel s’arrêta de marcher, interdit, le sourcil haut. Aurelio, qui l’observait, l’aida à s’exprimer :
– Une complicité lucrative, n’est-ce pas ? 
– Une complicité qui déshonore celui qui s’y prêterait, affirma Michiel d’un ton sans réplique. Quel patricien, à Venise, oserait s’abaisser à de telles pratiques ?
– À Venise ou ailleurs, Messer Michiel, l’argent, qui n’a point d’odeur, n’est point non plus au service de la morale, tout homme avisé sait cela et tout enquêteur se doit d’en tenir compte. 
Aurelio, le front serein, avait repris sa marche, ce qui obligea Michiel à le rattraper à grands pas.
– Messer Aurelio, je ne sais ce qui vous inspire ces propos. Certes, il faut que justice soit faite ; certes, les coupables d’un trafic illicite doivent être punis. Mais je vous conjure d’agir avec prudence et dans l’absolue certitude des faits que vous avancez. Songez au soupçon qui s’en va grandissant, songez au scandale…
FANTINA :
Aurelio ne se laissa pas attendre plus longtemps. Il s’enfonça avec délice dans la chair tendre qui l’appelait, le retenait prisonnier, le pressait, l’étreignait afin d’aiguiser son impatience. Elle accompagnait son mouvement, y mêlait ses gémissements. De s’entendre gémir pour l’encourager, elle eut l’instinct de relâcher toutes ses pudeurs et de devenir cette femme inconnue qui s’était sûrement emparée de son homme. D’un coup de reins, elle se détacha de lui, le laissant ahuri, pantelant, en proie aux frémissements dans lesquels se délitait la montée de son plaisir. 
– Pas si vite, souffla-t-elle.
– Coquine, où as-tu appris cela ? 
Fantina se contenta de sourire. Elle ne l’avait appris nulle part, bien sûr, et il le savait aussi. Elle avait reçu cette science à la naissance, en même temps que son sexe, ses entrailles chaudes et sa chair de velours. Mais sans doute les hommes aiment-ils s’imaginer que la science de l’amour s’apprend à leur école, comme l’écriture et la conduite des chevaux. Fantina ondula, roula sur elle-même, jouit infiniment de la stupeur de l’homme, de sa propre audace d’avoir pris pour la première fois l’initiative dans les jeux de l’amour. 
Elle obligea Aurelio à s’étendre sur le dos et fit la cavalière. Il sourit, lui prit les hanches qu’elle avait amples, leur imprima son mouvement. Mais elle se mouvait de façon plus complexe, plus subtile et plus étourdissante, se soulevant à chaque impulsion et offrant le spectacle de son corps transfiguré par la volupté. Les boucles de ses cheveux défaits roulaient sur ses épaules blanches, elle jetait la tête en arrière, contractait le ventre pour mieux enfermer son amant, ses seins lourds chaloupaient au rythme de ses hanches. Elle était belle. Il le lui dit ; à ces mots, elle s’enhardit encore.  
 ERBE DI DONNE : 
 Sans brusquerie, Aurelio revint à la charge :
– Et que sont les erbe di donne, Maestro ? 
– Des herbes de dame, Excellence, répondit l’apothicaire d’un air sincèrement navré. Si vous saviez combien de femmes, dans cette ville, utilisent des substances spermicides afin de pouvoir satisfaire les besoins de nature d’un époux, amant de cœur, amant d’un soir, sans avoir à mettre au monde un enfant de misère ! N’en blâmez pas les apothicaires, Signori. Sans eux, on utiliserait encore des recettes antiques : excrément de crocodile, onguent de plomb, huiles de safran, épines d’acacia ou racine de mandragore, pauvres femmes ! Oh, il n’est pas un seul apothicaire qui n’ait tenté sa recette à base de cuivre, de carotte sauvage ou de calendula… Pauvres créatures qui offrent du plaisir pour en recevoir des irritations, brûlures, cloques et maux du dernier tourment ! Aussi ai-je mis au point une formule merveilleuse à base de plantes venues de pays lointains : margousier de l’Inde, igname du Mexique, noix de galle. J’en fais une huile dont il faut imbiber un tampon et l’introduire délicatement dans le vagin, presque un délice. Elle caresse aussi le membre de l’homme et accroît le plaisir. Malheureusement, elle est chère et…
– Messer Erbabuona, coupe le Chancelier d’un ton sévère, je vous prie de prendre conscience de ceci : il n’est pas un pays de la chrétienté où l’homme convaincu de pratiques abortives ou autres procédés destinés à contrer les voies de la nature ne soit conduit directement au bûcher, savez-vous cela ?

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 Crédit photographique :“Nature morte”, huile sur planche de chêne, 1633, Pieter  CLAESZ,  Gemäldegalerie  Alte Meister, Wilhelmhöhe Hessen Kassel, Cassel, Allemagne.
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